A summer's night at the crooked forest

Den har et mørkt og eventyrlig preg den improviserte musikken til Sheriffs of Nothingness, innspilt i en hytte på Krokskogen en sommernatt i 2010. Kari Rønnekleiv, fiolin og Ole Henrik Moe, bratsj skaper overraskende klangbilder og teksturer og lar intensitet inngå direkte i kvaliteten. De legger seg tett opp mot hverandre, nærmest imitativt, men låter alt annet enn ensfarget. A summer's night at the crooked forest sperrer for det tilvante og henvender seg til den nysgjerrige. Albumets lengste stykke, «Epitaph (for A. Nordheim)» har et dramatisk anslag og et sørgmodig etterslep. De to strykernes opphold i skogen må ha inspirert nattsidene frem i dem begge

Strykere på hyttetur. Armert med et par buer, en fiolin og en bratsj beveger sheriffene seg fra kontemplative masser av overtoner til heftige fektekamper. Lovens voktere for dette ingenmannsland er Kari Rønnekleiv og Ole Henrik Moe – best kjent for sine bemerkelser innen samtidsmusikk, men her i fri improvisasjon i hytta til Audun Strype en sommernatt i 2010. Der andre jobber med kontraster, skaper denne duoen spenning ved å ligge så tett opp til hverandres lyder at ethvert utbrudd fra massen danner sin egen historie. Det er heftige variasjoner i det relativt smale lydbildet, og når de på et av sporene blir ”akkompagnert” av Strype på peis, ligger det også en sjarmerende upretensiøs stemning i bunn. Musikken ligger så tett opp til samtidsmusikk at Moes komposisjon for Arne Nordheim ikke skiller seg nevneverdig ut fra de øvrige improvisasjonene. Platen avsluttes skrapende mystisk og vakkert – og det er bare å glede seg til neste gang sheriffene skal ut på eventyr.

Til tider låter det så kaldt og skarpt som krittskraping mot en tavle, andre tider tilforlatelig enkelt som en ensom tone i et tomt rom. Men hele tiden med en sterk nerve, et uvirkelig samspill og en ukuelig vilje.

These 11 duets, recorded in a cabin in the woods outside of Oslo, feature violinist Kari Rønnekleiv and composer Ole Henrik Moe, here on viola, and each is a fine example of the special sensibility that classically-trained string players bring to improvised music - it's called bow control. From the viscious sul ponticello swipes and truncated crescendi on «Forest with Brian F.» to the over-the-fingerboard microtonally inflected double stops on «For Deathprod» the album is a technical tour de force. And a musical one, too, each track structured with composerly precision. In point of fact, not all the music is improvised - «Epitaph» is a composition by Moe - but who cares when it's this good? 

Sheriffs of Nothingness est un duo norvégien composé de deux violonistes: Kari Rønnekleiv et Ole Henrik Moe. La première est au violon, et le deuxième à l'alto, pour ces onze pièces en grande partie improvisées, même si tous les deux sont plutôt issus de la musique savante. Je ne dis pas qu'ils proviennent de ce milieu gratuitement, car aucun des deux ne tente d'effacer son bagage et chacun semble apporter de nombreux éléments issus de cette tradition, notamment la clarté et la précision des structures mais également une virtuosité peu commune.

A propos de la virtuosité, on s'étonnera facilement des contrastes entre ces onze «miniatures» (chaque pièce ne dépasse que rarement les cinq minutes), contrastes présents dans les attaques qui peuvent aussi bien être imperceptibles qu'extrêmement explosives, mais également dans le toucher qui passe sans transition d'un frottement délicat à un raclement agressif. Mais la virtuosité n'est pas qu'instrumentale, le sens de l'équilibre et la gestion structurale des tensions sont également impressionnants tant ils sont précis et intelligents. Des nappes extrêmement denses et riches sont brutalement interrompues par des ruptures, par des intensités aux antipodes, tandis que la microtonalité omniprésente tend à maintenir ou à exacerber les tensions; ou bien les cordes se parlent et divergent dans une polémique virulente et agressive, aux tonalités abrasives et bruitistes. Si on peut parfois être frustré par la courte durée des pièces, l'intensité de chacune et l'intelligence de sa structure rattrapent cette frustration la plupart du temps: car si une pièce prend fin, c'est qu'il n'y avait pas d'autres solutions - c'est du moins ce que duo laisse ressentir. Chaque rupture, chaque coda, chaque fin, autant que la linéarité de certaines pièces, son agressivité ou sa douceur, tous ces éléments paraissent toujours nécessaires, aucune autre issue, technique, ou composition, ne pourraient les remplacer.

Onze improvisations qui se concentrent principalement sur la texture des cordes et sur les dynamiques possibles de ces cordes, selon les timbres utilisés. Et ces textures surtout ont vraiment quelque chose d'inouïes et d'inattendues, sans doute grâce à l'origine de ces musiciens qui ont su apporter une touche de nouveauté dans le répertoire pourtant peu exploité du duo de violons. Des timbres surprenants, mais aussi des dynamiques extrêmement intenses et puissantes, extrêmes et souvent violentes, voire agressives, que ce duo norvégien a l'intelligence de rééquilibrer par des phases lentes et douces, délicates et subtiles. Un très bon début dans le monde de l'improvisation pour ces deux interprètes/compositeurs norvégiens.

Traînant ou agissant par saccades, les archets conjoints du duo Sheriffs of Nothingness tissent des tapis d’ombres aux variations charmantes. Emportées ou redondantes, fiévreuses ou apaisantes, ce sont-là onze pièces environnementales (Summer Nights, Sunset, Forests…). Qui balancent sous le coup des soupçons ou unissons féroces des païens archets de Kari Ronnekleiv et Ole Henrik Moe.